Par Nicole Duprat, Professeur des écoles à la retraite.
« Ce que l’Amour peut faire, l’Amour ose l’accomplir » – Shakespeare
Les sociétés éprises d’égalité attisent souvent une confusion avec l’égalitarisme menant à des logiques de division, de rivalité, de jalousies sociales, de paupérisation et donnent naissance au relativisme alors que toutes les opinions ne se valent pas. L’idée que toutes les opinions sont respectables et se valent détruit l’échelle des valeurs. Certaines ont des qualités que d’autres n’ont pas. Le relativisme est une dictature qui en prenant le prétexte du « respect des différences » homogénéise tout par la transgression et la démagogie. Si tout se vaut rien ne vaut. A trop vouloir « modérer » plus rien n’a de la valeur. On le voit bien dans le domaine de l’Art où le cynisme mercantile met tout au même niveau dans les espaces d’exposition ouverts au public où sont juxtaposés sur un même niveau les chefs d’œuvre du patrimoine artistique national avec les dernières productions-installations pauvrissimes et en vogue de l’Art contemporain reflétant « La valorisation du néant » et cumulant ses tares récurrentes ; nullité artistique, provocation, démolition, vulgarité. Pour ces raisons diverses il est nécessaire de mettre un terme à ces confusions entre égalité et égalitarisme.
Toutes les confusions qui découlent de la compréhension de l’égalité entre les hommes naissent d’un manque du Respect de la Vie et mènent aux perversions du dogme de l’égalitarisme. Respect de la Vie que le docteur Albert Sweichtzer ainsi que d’autres sages et les grands penseurs de l’Inde avaient intégré et appliqué dans leur propre existence.
« L’homme n’est éthique que lorsque la Vie elle-même, aussi bien celle des plantes que celle des animaux lui est sacrée comme celle des hommes et lorsqu’il se dévoue pour porter une aide à une vie qui est en danger. Seule l’éthique universelle d’une vie qui se sent responsable à l’égard de tout ce qui vit peut se justifier en pensée »
« L’éthique du respect de la Vie comprend donc en elle-même tout ce qui couvre les notions d’amour, de dévouement, de partage de souffrance, de partage de joies et d’engagement pour le bien. »
L’égalité n’a de sens que par rapport à l’Unité. Par analogie j’emploierai deux images. La première image est empruntée à la géométrie : les rayons du cercle sont tous égaux vis-à-vis du centre. La deuxième image est empruntée à l’art du vitrail : les différentes couleurs du vitrail n’ont un égal éclat que par rapport à la lumière unique du soleil qui les traverse mais il n’y a pas d’égalité entre le rouge, le bleu et le vert. L’erreur est d’aborder l’égalité sans être relié au sens du devoir inscrit dans sa conscience et de traiter le thème de l’égalité dans ce qui relève de la différence. Nous savons tous en mathématiques que nous ne pouvons pas additionner des pommes et des poires.
L’égalitarisme est une doctrine qui annihile l’aspect « devoir » pour ne retenir que sa composante « droits ».
L’Egalité, certains voudraient la comprendre dans le sens de similitude : le même costume, la même casquette, la même conviction, le même parti politique…cela est l’uniformité, l’uniformisation. Tout est fait pour obtenir une humanité standardisée, aseptisée, un ramassis de clones tristes et insipides.
Par exemple les enfants dans une même famille ne sont pas égaux entre eux : l’un peut être grand, l’autre petit, l’un en bonne santé l’autre affligé d’une maladie ou d’un handicap, l’un doué pour les sciences, l’autre disposant de plus d’aptitudes artistiques. Les « talents » ne sont pas distribués de façon égale. Mais l’égalité pour eux réside en ceci : c’est qu’ils ont droit à une même part d’amour et d’attention de leurs parents.
La principale différence entre une coopérative et une entreprise classique c’est que les salaires sont intrinsèquement associés à l’ensemble de ses rouages. Entreprendre sous forme coopérative c’est faire le choix de la responsabilisation de la totalité des décisions. C’est faire confiance en l’homme et sa capacité d’investir dans un projet mutuel commun, c’est défendre des valeurs pour en recueillir les fruits ensemble et de façon égale.
Pour les êtres humains l’égalité est le principe qui fait que tous doivent être traités de la même manière avec la même dignité, qu’ils sont soumis aux mêmes devoirs et disposent des mêmes droits mais aussi des mêmes sanctions vis-à-vis des lois du pays.
L’égalitarisme est un dogme dont la technique très perverse est de construire des simulacres d’égalité. L’égalitarisme flatte l’homme pour mieux le rabaisser. Pour cela on fait appel à des idéologies féministes (dévoiement de la défense de l’égalité homme-femme), aux doctrines fallacieuses du gender, à la théorie de l’antispécisme pour invoquer l’égalité entre les animaux et les hommes ou encore en procédant au nivellement par le bas ou à une éducation démagogique bas de gamme dans l’école (voir Plan 21 – les fameuses études PISA).
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Combien d’écoliers français ont récité ces vers de Boileau qui présidaient à l’étude de la grammaire et de la belle langue ! C’est sur la maitrise de la langue que le niveau scolaire s’est effondré de la façon la plus marquante. Les différentes réformes visant à réduire à simplifier l’orthographe, la grammaire et le vocabulaire sans parler des dommages causés par la novlangue ont engendré un affaissement massif du niveau culturel. Détruire une langue c’est détruire la pensée.
Mais que peut-on attendre d’une école qui depuis des années cherche à faire apprendre moins aux enfants. Ce raisonnement qui consiste à penser à la fois que les élèves apprendront mieux si on leur en apprend moins et qu’il ne leur faut enseigner que ce qui leur est sera nécessaire n’est pas seulement réducteur, il est également contre-productif. Il oublie tout le plaisir qu’il peut y avoir à comprendre des choses complexes, à résoudre des problèmes, à maitriser une discipline. La visée finale de l’école n’est plus de transmettre une culture, de former des esprits libres, capables de penser par eux-mêmes mais de n’enseigner que le strict nécessaire afin de former une classe d’âge qui sera apte à s’intégrer au marché du travail.
Il est curieux que certains trouvent que rendre le savoir disponible au plus grand nombre doive se faire par un nivellement vers le bas, tout en développant l’obsession de la self esteem (l’estime de soi chère aux pédagogues américains avec leur formule « We are the best »). On fait l’éloge de la paresse et on noie l’excellence. On brime les bons élèves et on empêche les moyens et les médiocres de progresser. En fait d’excellence pour tous, c’est l’excellence pour personne.
« On ne résolve pas les problèmes avec les modes de pensée qui les ont engendrés. » affirmait Albert Einstein.
La vraie égalité n’est pas la négation, l’ignorance ou le refus des différences, elle est la volonté de ne pas privilégier les uns et défavoriser ou rejeter les autres. Seul le dialogue d’égal à égal, en toute bonne foi de la part de chacun et dans le respect de la dignité humaine dont chacun est porteur permet de vivre l’Unité et la diversité, l’ouverture d’esprit les uns vis-à-vis des autres, de rester solidaires, de protéger les plus fragiles, de ne pas s’engluer dans l’ethnocentrisme, de comprendre que l’Humanité n’est qu’une seule famille et de contribuer ainsi à une culture de paix. Tous les démocrates dans l’âme s’y reconnaitront !
Source : Contribution au Congrès « Mut Zur Ethik » à Sirnach (SUISSE) du 1 au 3 Septembre 2017