Par Krishnamurti.
En réalité, nous avons pratiquement tous peur. Nos parents ont peur, nos éducateurs ont peur, les gouvernements et les religions ont peur que nous devenions un individu à part entière, car ils veulent tous que nous restions bien à l’abri au sein de la prison que sont les influences de l’environnement et de la culture.
La quête de la vérité ne consiste pas à demeurer dans la prison, mais plutôt à comprendre la prison et à s’en échapper.
Il est important que l’éducateur soit éduqué, au vrai sens du terme, autrement dit qu’il connaisse les mécanismes de son propre esprit et de son propre cœur, qu’il se voie tel qu’il est à travers le miroir de la relation. La connaissance de soi est le commencement de la sagesse. La connaissance de soi est l’univers tout entier ; elle embrasse toutes les luttes de l’humanité.
L’envie, l’ambition, la croyance, l’imitation, sont des indices de peur. Tant que mes désirs coïncident avec les schémas établis, je suis un citoyen respectable. Mais dès que j’ai un désir entier et sortant de la norme, je deviens un danger ; la société veille donc à m’empêcher d’avoir un désir qui aille jusqu’au bout, un désir qui serait l’expression de mon être intégral.
L’action d’être est entièrement différente de l’action de devenir. La société rejette la démarche d’être, révolutionnaire, et se préoccupe exclusivement de l’action de devenir, respectable. Mais tout désir qui s’exprime dans une démarche de devenir, qui est une forme d’ambition, reste inaccompli. Tôt ou tard, ce désir est contrarié, empêché, frustré.
Ce qui crée en moi la peur, ce n’est pas l’inconnu, c’est le fait de m’agripper au connu. Or l’inconnu n’est pas accessible au connu.
Si je suis capable de lâcher le connu, de ne pas laisser mes soucis m’accompagner jour après jour, d’heure en heure, d’instant en instant, je verrai que de cette liberté jaillit une vie extraordinaire.
La vérité, c’est la vie, et la vie est impermanente.
Trois repas par jour, des vêtements, un toit, une vie sexuelle, un travail, des distractions et mon processus de penser – tout ce processus bête et répétitif, ce n’est pas la vie. La vie est affaire de découverte. La fonction de l’éducation est, sans aucun doute, de nous aider à découvrir la vie à chaque instant.
Pour comprendre les pressions de la tradition et leur résister, ce qu’il nous faut, ce n’est pas de la force, mais de la confiance – cette immense confiance qui nous vient lorsque nous savons réfléchir aux choses par nous- mêmes. Or notre éducation ne nous enseigne pas comment penser, mais quoi penser.
Une éducation digne de ce nom a pour rôle de nous aider à penser par nous-mêmes, de sorte que notre propre réflexion soit pour nous la source d’une immense confiance.
N’ayez aucun de ces idéaux de pureté, de chasteté, de fraternité, de non-violence, et j’en passe, car ils n’ont pas de sens. Ne vous efforcez pas d’être courageux, car ce n’est qu’une réaction à la peur. La peur est là tant que vous voulez être en sécurité – que ce soit dans votre mariage, dans votre travail, dans votre situation, dans vos responsabilités, dans vos idées, dans vos croyances, dans votre relation au monde. Dès l’instant où l’esprit est en quête de sécurité ou de gratification sous une forme quelconque, à un niveau quelconque, la peur est forcément là ; l’important est d’être conscient de ce processus et de le comprendre. L’esprit qui est vif, attentif, qui est libéré de la peur, est un esprit innocent, et seul l’esprit innocent peut comprendre la réalité.
Source : Extrait de Le Sens du bonheur, Stock.