L’ÉCOUTE ET LA PAROLE… AU XIIÈME SIÈCLE

par Chrétien de Troyes

Allons écoutez !

Prêtez moi les cœurs et les oreilles, car une parole entendue est perdue si elle n’est pas comprise avec le cœur.

Il y a des gens qui ne comprennent pas ce qu’ils entendent et qui néanmoins l’approuvent. Ces gens-là n’ont que la perception du son, du moment que le cœur n’y comprend rien du tout.

La parole vient aux oreilles, de la même façon que le vent qui vole, mais loin de s’y arrêter et d’y demeurer, elle s’en éloigne en très peu de temps, si le cœur n’est pas assez éveillé pour être préparé à la saisir ; car c’est lui seul qui peut la saisir à son passage, l’enfermer et la retenir. Les oreilles ne sont que le passage et le conduit par où la voix s’en vient au cœur et le cœur saisit à l’intérieur du corps la voix qui y entre par l’oreille.

Ainsi, quiconque voudra me comprendre, doit me confier son cœur et ses oreilles, car je ne veux pas parler de rêve, ni de fable ni de mensonge, dont quantité d’autres vous ont régalés ; non, ce que je vous raconterai, je l’ai vu.

Source:  Extrait de « Yvain le chevalier au lion » écrit vers 1175 

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